Le montant de la rente constitue un facteur décisif pour l’indépendance économique et la liberté de choix à l’âge de la retraite. En Europe, le montant de la rente perçu par les femmes reste toutefois nettement inférieur à celui des hommes, les exposant à une situation de pauvreté une fois à la retraite. Mais tout n’est pas si noir: les femmes ont également les cartes en main pour changer la donne.

Si l’égalité salariale entre les hommes et les femmes occupe le débat public depuis de nombreuses années, il semble que les différences entre les rentes de vieillesse restent encore mal connues. Alors que l’Union européenne décidait pour la première fois en 2013 d’analyser systématiquement l’écart existant entre les rentes de vieillesse des hommes et celles des femmes (autrement dit le «Gender Pension Gap»), il aura fallu attendre l’année 2016 pour que la Suisse s’y consacre. On ne s’étonnera donc guère de l’absence de conscience au sein de l’opinion publique au sujet de l’écart de rentes important qui existe entre les sexes.

Dans un quiz publié sur notre site Internet, nous avons récemment demandé quelle était la différence de rente perçue par les femmes par rapport à celle des hommes. Près de la moitié des participants a supposé que la rente perçue par les femmes était inférieure de 20%, se fiant à l’écart entre les salaires.

Un fossé deux fois plus grand

La réalité est malheureusement bien moins souriante: en matière de prévoyance, le fossé entre les hommes et les femmes est en fait deux fois plus élevé que celui des salaires. Il s’élève à 39% dans la moyenne européenne. Et pourtant seul un participant sur dix a su donner la bonne réponse.

Une ignorance qui est préoccupante car l’écart entre les retraites se creuse déjà très tôt dans la vie professionnelle. Le montant de la rente permet en quelque sorte de retracer le parcours professionnel d’une personne. 

Alors comment expliquer cette disparité?

Les deux facteurs décisifs de cet écart de rente en fonction du sexe sont la durée de l’activité et le type d’activité: les femmes gagnent moins, sont souvent employées à des postes mal rémunérés et de surcroît rarement à des fonctions de direction, elles travaillent également plus souvent à temps partiel que les hommes. En outre, il n’est pas rare que les femmes interrompent leur carrière pour s’occuper de leurs enfants ou de leur famille.

Les femmes sont souvent mal assurées une fois à la retraite, et dépendent financièrement de leur conjoint.

Les retraites actuelles traduisent donc les disparités du passé, principalement la répartition traditionnelle des rôles et la position des femmes sur le marché du travail qui en découle directement.  Mais elles pointent également des problèmes imminents: les femmes sont souvent mal assurées une fois à la retraite, et dépendent financièrement de leur conjoint.

Prévoir, mais sans le conjoint

Les femmes devraient-elles donc repenser leur prévoyance actuelle? «Généralement on évalue le montant de la pension au niveau d’un couple», explique Eric Le Baron, CEO de Swiss Life Assurance et Patrimoine en France. «Les femmes, parce qu’elles vivent en majorité plus longtemps, auraient intérêt à simuler le niveau de pension en cas de décès de leur conjoint pour, le cas échéant, épargner le plus tôt possible et compléter la perte de revenus.»

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Les femmes, parce qu’elles vivent en majorité plus longtemps, auraient intérêt à simuler le niveau de pension en cas de décès de leur conjoint.

Mais la réalité est bien différente: une enquête représentative de Swiss Life Allemagne menée auprès de 2062 participants souligne ce problème. Plus d’une femme sur deux craint de devoir vivre dans la pauvreté à l’âge de la retraite. Quatre femmes sur dix déclarent que leur niveau de vie est considérablement pénalisé sans l’apport de leur conjoint.

Plus d’initiative personnelle et une plus grande sensibilisation mais surtout un changement de mentalité

«Quoi qu’il en soit, les femmes devraient être bien plus prévoyantes qu’elles le sont aujourd’hui», souligne Matthias Wald, responsable Distribution et membre du comité de direction de Swiss Life Allemagne. L’enquête de Swiss Life Allemagne nous apprend également que plus d’une femme sur trois déclare ne pas s’être encore suffisamment penchée sur sa prévoyance personnelle.  «Les femmes cotisent en moyenne moins pour la retraite. Elles s’arrêtent souvent de travailler pendant plusieurs années pour élever leurs enfants ou s’occuper de leurs proches», précise Matthias Wald.  Il ajoute: «Nous avons besoin d’une plus forte prise de conscience sur ce sujet.»

Les finances sont en effet négligées dans notre système de formation. «Il faudrait absolument armer les jeunes des connaissances nécessaires pour qu’ils puissent prendre les devants en matière de planification financière privée.»

Et pour réduire le «Gender Pension Gap», les employeurs ont également un rôle déterminant à jouer. L’employeur devrait faciliter la compatibilité entre le travail et la vie de famille avec des modèles de temps de travail flexibles, développer des offres de gardes d’enfants et offrir aux femmes des possibilités d’évolution professionnelle.» conclut-il.

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Les finances restent un sujet négligé dans notre système de formation. Il faudrait armer les jeunes des connaissances nécessaires en matière de planification financière privée.

Pour que cela fonctionne durablement, il faut que les femmes prennent davantage leurs responsabilités, que les entreprises s’impliquent, mais surtout qu’un changement de mentalité s’opère au sein de la société. «Outre une meilleure répartition des obligations familiales et des conditions de travail compatibles avec une vie de famille, il est nécessaire que la société continue de démanteler les stéréotypes liés aux sexes et fasse le choix d’une répartition des rôles égalitaire», confie Colette Nova, vice-présidente de l’Office fédéral des assurances sociales en Suisse.

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