Les baby-boomers sont fiers de ce qu'ils ont accompli, la génération X demeure sceptique quant à l'avenir et la génération Y est accro à l'interactivité. Aljan de Boer, Brand Strategist et Keynote Speaker, explique pourquoi chaque génération pense, ressent et agit différemment et comment l'augmentation de la longévité les affecte.
Vous êtes né en 1984 et faites donc partie de la génération Y. Quelles sont les influences spécifiques de votre génération ?
A 3 ans, je savais comment utiliser le téléphone à cadran pour appeler ma grand-mère. Quand j'ai eu 10 ans, l'email a été inventé. A mes 20 ans, le smartphone est apparu, et depuis lors, je suis connecté 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 avec mes amis et mes marques préférées. La génération Y a grandi dans une société connectée, ce qui influence largement ses comportements et attentes envers les entreprises. Pour satisfaire ses besoins de consommation, elle se sert de multiples appareils et canaux. Pour les représentants de cette génération, c'est une seconde nature, car ils ont grandi comme ça. Toute cette nouvelle technologie a entrainé avec elle un nouveau langage, un nouveau dialecte, le dialecte visuel. La génération Y communique par emoji, partage des images sur Instagram, télécharge et regarde des vidéos sur YouTube.
De quelle manière tout cela influe-t-il sur votre génération ?
L'une des singularités de la génération Y, le comportement égocentrique, est souvent mal interprétée. On a beaucoup décrit la génération Y comme étant narcissique, arrogante et égoïste. Nos recherches montrent que c'est injuste. Tout d'abord, ces personnes ont grandi dans des familles moins nombreuses, leurs parents baby-boomers leur ont donc prêté énormément d'attention. De plus, elles ont été impliquées dans toutes les discussions familiales, de la voiture que papa allait acheter au lieu de destination des vacances. La fait d'avoir été élevés comme des négociateurs professionnels et d'avoir été au centre de toutes les attentions a rendu les représentants de la génération Y particulièrement expressifs et sûrs d'eux, et non pas arrogants ou narcissiques. Ils ont l'habitude de partager leurs avis et idées.
En quoi la génération Y diffère-t-elle donc des autres générations ?
Les baby-boomers constituent la génération la plus grande et la plus riche, ce qui les rend très puissants. Ils sont fiers de tout ce qu'ils savent et de ce qu'ils ont accompli au cours de leur vie prospère. Si l'on analyse les premières années de vie des baby-boomers, la génération qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, l'on se rend compte qu'ils ont grandi dans une période de prospérité économique. Ce qui n'est pas le cas des représentants de la génération X nés entre 1960 et 1980. Contrairement aux baby-boomers, les représentants de la génération X se montrent sceptiques quant à l'avenir. Ils sont souvent aussi stressés car ils font tout en même temps, éduquer leurs enfants, s'occuper de leurs parents et poursuivre leur carrière. Les représentants de la génération Y sont élevés par des baby-boomers, ce qui fait qu'ils leur ressemblent beaucoup plus ; ils ont une forme de confiance en l'avenir.
C’est la première fois dans l'histoire qu’autant de générations travaillent côte à côte. Pour les entreprises, quels sont les défis et leurs conséquences ?
Vu les comportements et sensibilités propres à chaque génération, le grand défi consiste à veiller à une bonne compréhension mutuelle. Les équipes doivent être très conscientes des forces et faiblesses de chacun. Lorsque vous comprenez l'état d'esprit d'une génération, vous savez aussi comment faire pour la motiver, ou mieux encore, comment collaborer avec elle. Si l'on ne se comprend pas, c'est là que ça devient dangereux. Grâce à la recherche et aux entreprises avec lesquelles nous travaillons, nous savons que la génération X estime que la génération Y est souvent trop naïve ou trop confiante, tandis que la génération Y trouve la génération X trop cynique et pas coopérative. Le fait d'en être conscient permet de diminuer les tensions au sein des équipes dans lesquelles ces deux générations collaborent.
Que doit donc faire une entreprise pour exploiter les compétences des personnes de tous âges et renforcer la collaboration entre les générations ?
Nous savons par exemple que la génération Y s'entend un peu mieux avec les baby-boomers qu'avec les représentants de la génération X. Nous savons aussi que la génération Y adore apprendre et que les baby-boomers adorent partager leurs connaissances. Par conséquent, les baby-boomers sont les parfaits formateurs de jeunes talents. A l'avenir, l'on aura plus d'équipes intergénérationnelles et des programmes de tutorat inversé.
Dans quelle mesure l'augmentation de la longévité affecte-t-elle les générations ?
C'est un sujet extrêmement important, spécialement pour les jeunes générations. Beaucoup de jeunes ne réalisent pas l'importance d'avoir une retraite, en particulier quand on a de bonnes chances de vivre jusqu'à 90 ou 100 ans. Ce qui est le cas des jeunes générations d'aujourd'hui. C'est donc un thème extrêmement pertinent, et je pense que pour le secteur de la finance en particulier, il y aurait tout à gagner à adapter la façon dont les différentes générations sont ciblées et abordées.
Quelles sont les tendances générationnelles avec le plus grand impact sur le comportement des consommateurs ?
Les baby-boomers arrivent à l'âge de la retraite – ce qui signifie que la plupart d'entre eux sont toujours en bonne forme malgré leur âge avancé. Dans l'interaction avec cette génération, il est important de renvoyer une image dynamique et de faciliter la vie active. Les représentants de la génération X sont plutôt sceptiques, les entreprises doivent donc impérativement chercher à comprendre les luttes et les incertitudes auxquels ils sont confrontés afin de pouvoir leur offrir des solutions très pragmatiques. Quant à la génération Y, elle est accro à l'interactivité. Dans la communication avec les représentants de cette génération, il est donc essentiel d'offrir des expériences interactives, en ligne et hors ligne. D'autre part, la génération Y est consciente du rôle que les entreprises jouent dans la société. Elle sait que celles-ci doivent gagner de l'argent pour générer du profit. C'est en ordre pour elle, mais seulement si une partie de ces bénéfices servent au bien général. On pourrait dire que la génération Y possède un « radar à conneries intégré », qui se déclenche dès que les entreprises font des promesses vides ou se comportent mal. Les représentants de la génération Y critiquent ouvertement les entreprises sur les réseaux sociaux, ou passent chez un concurrent plus consistant.
Parlons pour finir de la toute dernière génération, la génération Z. Quelle influence aura-t-elle dans le paysage générationnel ?
La génération Z sera encore plus digitale et visuelle que les générations antérieures. Les plus vieux parmi la génération Z sont nés au moment de l'apparition de l'iPhone, raison pour laquelle on les appelle les « natifs du mobile ». Ils ont grandi avec les tablettes et les smartphones et leur monde sera un monde - une sorte de fusion des mondes hors ligne et en ligne. Au travail, la génération Z se comportera un peu comme leurs parents de la génération X. Des employés travailleurs, indépendants et souples.
Entretien: Michael Preisig
Aljan de Boer
Aljan de Boer (1985) a étudié le marketing et la gestion d'entreprise aux Pays-Bas et au Mexique. Il est titulaire d'une maîtrise en entrepreneuriat et travaille en tant que professeur de marketing invité dans le monde entier. Il a fait du B2C et du B2B pour des marques internationales et des organisations à but non lucratif. Il est également membre du conseil d'administration de la plate-forme néerlandaise de marketing innovant.